November 23, 2024 - January 18, 2025

Les étoiles tombent, deux chiens jouent

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FR

Romain Bobichon : Les autres côtés du miroir

Kafka, écrivant dans son journal :
L'Allemagne a déclaré la guerre à la Russie.
Après-midi piscine.

Bienvenue dans ce monde, où tout commence et finit par un cadre. Le nôtre ? Oui ! Question : comment s'en sortir ? Dans ce monde, où on ne peut plus lever, les yeux, vers les étoiles ! sans penser, en les regardant, aux bombes traversant ce ciel, vu d'ailleurs, à un autre moment. Il y a peu, bientôt, jamais loin (c'est le même ciel après tout) — vous voyez, il est question de perspective, mais surtout de nous, des sentiments qui nous rattachent à la vie, aux autres, à ce qui fait monde autour
— proposition : attaquer ce cadre, avec un royaume de peut-être. Simplement jouer avec lui.
Je, tu, il tendent la main et saisissent le moment, les moments rentrés dans le moment
— des univers sont rentrés dans le moment. Par-dessus. On voit au travers. Entrez. Voyez au travers ! Ici, comme ça, là.
(Dans les temps ancestraux, des hommes lisaient le journal, en pyjama, au petit déjeuner…)
Autre question : mais il y a quoi, à la surface ?

Chaque matin, ce que c'est qu'un matin. Recommencer à vivre chaque jour (pas seulement : continuer). Affronter l'interruption, faire avec. Commencer le monde entier, en un matin. Un monde sans principe ; présenter ce monde. À nouveau. Nous les uns dans les autres. Tendre l'oreille, en pyjama, sur un papier type journal, fin, peindre à l'huile, à la bombe. Laisser venir. Rien n'est trop petit car tout est direction. C'est parce qu'on continue tranquillement, qu'il y a quelque chose. Chaque jour, ce qui flotte de doux dans le pire. Que flotte-t-il d'intérieur dans le pire ?

Le miroir repose le regard. Si, si : pas parce qu'on s'y regarde (Dieux nous en protègent !), mais parce qu'en passant près du miroir, on y voit le monde qui défile… Presque celui qu'on connaît. Presque : son image.

Le monstre est là, le monde est là. On réfléchit. On est dedans. Question : vous sentez le vide entre l'œuvre et mon texte ? Si non, on l'appelle ensemble, peut-être qu'il viendra

Aron Barbier


EN

Kafka, writing in his journal:
Germany declared war on Russia.
Afternoon at the swimming pool.

Welcome to this world, where everything begins and ends with a frame. Ours? Yes! Question: how to pull through? In this world, where you can no longer raise your eyes, skywards, to the stars! without thinking, as you look at them, of bombs criss-crossing the skies, seen from elsewhere, at another moment in time. Not long ago, soon, never far away (it’s the same sky after all) — see, it’s all a question of perspective, but above all a question of us, of sentiments that link us to life, to others, to the things that make the world around us
— proposition: attack the frame, with a kingdom of perhaps. Simply play with it. I you he stretch out a hand and seize the moment, the moments that have entered into the moment
— universes have entered into the moment. Above. We see through it. Enter. Look through it! Here, like that, there.
(In ancestral times, men read the newspaper, in their pyjamas, over breakfast…)
Another question: but what is there, on the surface?

Every morning, that which is a morning. Starting to live over again each day (not only: continuing). Confronting interruption, making do with it. Starting the whole world, in a morning. A world without principle; presenting this world. Again. All of us in the others. Listening carefully, in your pyjamas, on a thin newspaper-style paper, painting in oil, painting with a spray-can. Letting things come. Nothing is too small because everything is direction. It’s because we continue, calmly, that there is something. Every day, the gentle things floating about in the worst. What from our interior, is floating inside the worst?

Mirrors let the gaze rest a while. No, really: not because we look at ourselves in them (Gods forbid!) but because when we pass close to a mirror, we see the world go by… Almost the one that we know: its image.

The monster is there, the world is there. We reflect. We’re inside. Question: can you feel the void between the work and my text? If not, let’s call it forth together: perhaps it’ll come to us


Aron Barbier
Translated by James Horton